Ca bouge au niveau du cancer de la prostate 8
Par le Professeur Olivier Cussenot Chef du service d’Urologie. Directeur du laboratoire d’Onco-Urologie prédictive, Hôpital TENON APHP Sorbonne Université, Membre de l’Institut Universitaire de France.

Chaque année, 50.000 hommes sont diagnostiqués pour un cancer de la prostate et 9000 en décéderont, soit encore un décès toutes les heures. Pourtant, la maladie recule et ce grâce à de nouvelles thérapies innovantes et personnalisées.
A côté des traitements toujours plus efficaces pour les formes graves, de nouvelles alternatives thérapeutiques ont aussi émergées pour les stades précoces de la maladie. Ces alternatives, réduisent l’impact des traitements locaux sur la qualité de vie sexuelle et urinaire. Ils ont bénéficié, entre autres, de l’intelligence artificielle et des avancées technologiques en imagerie dite « embarquée » où les images de la prostate réalisées avant l’intervention sont intégrées et fusionnées en temps réel au cours des interventions afin de mieux cibler le cancer. La robotique chirurgicale et les appareils de radiothérapie bénéficient aussi de ces avancées pour des traitements guidés par l’image plus sécurisés.
L’intelligence artificielle a aussi envahi notre quotidien médical. Elle a bien sûr une grande place en recherche pour l’analyse de données de grandes dimensions, comme l’analyse des résultats du séquençage de l’ADN des tumeurs (génomique) ou de données issues de l’imagerie (radiomique). L’intelligence artificielle permet aussi, en pratique quotidienne, d’aider au choix des stratégies diagnostiques ou thérapeutiques, avec des systèmes d’aide à la décision intégrant des données multiples du patient afin de choisir au mieux, en la personnalisant, la prise en charge. Un exemple est donné par Predict™, un outil informatique de consultation en ligne approuvé par l’Institut national de la santé et des soins en Angleterre. Il est recommandé aux patients d’utiliser cet outil en consultation avec leur médecin comme une aide à la décision lorsque plusieurs traitements sont possibles pour un cancer de la prostate localisé. Des outils d’intelligence artificielle, destinés à la formation des patients experts pour la stratégie diagnostique et thérapeutique ont également été développé avec les associations de patients au sein des équipes de Sorbonne Université.
Les avancées dans le séquençage du génome des cancers de la prostate ont permis d’identifier qu’au cours de la progression des cancers, des mutations acquises au sein de la tumeur sont responsables de sa résistance ou de sa sensibilité à certains traitements spécifiques. Certaines de ces mutations sont aussi des points de faiblesse de la maladie, car certaines molécules vont être toxiques pour les cellules porteuses de ces mutations (les cellules tumorales) alors que les cellules normales ne seront pas sensibles. C’est par exemple le cas des tumeurs qui ont une anomalie de la réparation de l’ADN (appelée recombinaison homologue), qui sont plus sensibles à une chimiothérapie avec des sels de platine ou à des molécules appelées inhibiteurs de PARP1. Dans le même ordre d’idée, certains cancers de la prostate (5%) présentent une autre anomalie de réparation de l’ADN, appelée réparation des mésappariements. Ces tumeurs ont une antigénicité qui leur confère une sensibilité particulière à l’immunothérapie. L’immunothérapie a fait des progrès importants ces dernières années, avec des molécules appelées inhibiteurs de « check-point », capables de bloquer certaines populations de lymphocytes qui empêchaient l’organisme de rejeter la tumeur. Les premières stratégies d’immunothérapie pour le cancer de la prostate étaient complexes, nécessitant d’activer les cellules immunitaires ex vivo avant de les réinjecter, comme avec le sipuleucel-T. Cette procédure compliquée et très coûteuse pour un bénéfice minime n’avait pas trouvé sa place dans la stratégie thérapeutique. Les nouvelles molécules « inhibitrices de check-point », plus maniables, ont montré des réponses au stade métastatique, lorsque les tumeurs ont des anomalies génétiques qui en font de bonnes candidates pour ces nouveaux traitements. Ainsi, le développement de l’immunothérapie vise à cibler spécifiquement la population de tumeurs particulièrement sensible à ces traitements (environ 5%) et à combiner l’immunothérapie aux autres stratégies (chimiothérapie, radiothérapie, inhibiteurs de PARP1, nouvelles hormonothérapies, etc.).
A côté des médicaments la médecine nucléaire est passée de l’imagerie à la thérapeutique par la radiothérapie vectorisée. Ce traitement utilise un radioisotope dont l’émission radioactive est capable de détruire les cellules sur son site de fixation. Le radioisotope est vectorisé et se concentre sur les sites tumoraux en exploitant des propriétés biologiques comme le métabolisme osseux au niveau des métastases osseuses ou des sites de fixation spécifiques des cellules tumorales. La radiothérapie avec les ligands du « PSMA » (prostate Specific Membrane Antigen) pouvant se fixer sur les cellules tumorales de façon spécifique, ouvre de nouveaux champs d’application et est à évaluer comme une alternative à la chimiothérapie.