La reconstruction du Sein
Le Professeur MIMOUN, Chef de service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, Hôpital Saint Louis, évoque la reconstruction du sein chez les patientes atteintes du cancer du sein.
Reconstruire pour guérir, reconstruire sans détruire, reconstruire pour sourire.
Guérir du cancer du sein est heureusement de plus en plus fréquent, mais dans certains cas la mammectomie s’avère nécessaire. La reconstruction du sein permet de limiter voire de faire disparaître les délabrements de cette amputation. En France, environ 30 % des femmes ayant eu une mammectomie ont eu recours à une reconstruction. C’est trop peu. Parfois c’est par choix et il faut bien sûr le respecter. Mais parfois, c’est la conséquence d’idées reçues, de peur, de manque d’informations, de méconnaissance des circuits.
La chirurgie plastique et reconstructrice change radicalement « la vie d’après ». Les méthodes sont multiples, évoluent et s’affinent d’année en année. Il n’y a pas une technique reine et d’autres de secondes catégories. On doit se méfier des phénomènes de mode. Internet s’avère certes une source de renseignements, mais il ne peut remplacer la consultation avec le chirurgien plasticien. Cette chirurgie sur mesure s’adapte au corps et au psychisme de la patiente. Nous avons un panel de procédures à utiliser en fonction de la morphologie, du poids, de la répartition des zones graisseuses, de l’existence d’excédent cutané, des cicatrices. Au terme de l’examen, certaines méthodes sont exclues, d’autres possibles. En définitive, quand plusieurs sont retenues, c’est la patiente qui choisit.
Quelles sont ces méthodes ?
Les prothèses ont d’abord été inventées pour la chirurgie esthétique puis transposée à la chirurgie reconstructrice. L’expandeur cutané est un implant provisoire placé vide et relié à une valve qui permet de le remplir une fois par semaine et ainsi de faire pousser la peau manquante. Une fois le volume obtenu, on le remplace par une prothèse définitive.
Les lambeaux de peau, de graisse, parfois de muscles sont prélevés dans un endroit où la patiente a un excédent cutané et graisseux suffisant. Cela peut-être le dos (grand dorsal), le ventre (DIEP), le pli fessier… Certaines de ces méthodes comme le DIEP font appel à la microchirurgie.
La greffe adipeuse également nommée lipofiling est le procédé le plus récent. La graisse est aspirée sur la patiente par liposuccion, elle est ensuite centrifugée puis réinjectée dans la zone de mastectomie. L’injection de graisse entraîne aussi la croissance de la peau sans doute par les facteurs de croissance contenus dans la graisse. Plusieurs séances sont nécessaires. Le lipofilling a révolutionné notre optique, non seulement elle redonne un volume, mais permet d’obtenir la consistance d’un sein à s’y méprendre sans faire de cicatrice ailleurs sur le corps. Fait unique, la sensibilité est récupérée. On parle pour la première fois de restitution mammaire. Toutes ces méthodes peuvent être associées, par exemple un lambeau et une prothèse, un lambeau et une greffe adipeuse. La reconstruction de l’aréole et du mamelon s’effectue par des greffes, des lambeaux ou des tatouages.
À quel moment fait-on une reconstruction mammaire ?
Trois cas existent :
- Secondairement, six mois à un an après l’amputation surtout s’il y a eu de la radiothérapie.
- Immédiatement, la chirurgie d’exérèse et de reconstruction s’exécute dans le même temps. Certains critères doivent être respectés pour qu’elle soit réalisable.
- Avant le cancer, en préventif. La génétique évalue les facteurs de risque. Les plus connus sont les gènes BRCA 1 et 2. Ces femmes à haut risque peuvent décider l’amputation du sein. Évidemment la démarche est terrible, l’épée de Damoclès insupportable. La perspective de la « vie d’après » s’avère déchirante. La reconstruction du sein leur permet souvent de franchir le pas.
Quelles que soient les méthodes, la reconstruction mammaire n’est pas une simple intervention, mais la plupart du temps un chemin où plusieurs interventions sont nécessaires. La reconstruction de l’aréole et du mamelon se réalise en dernier. Outre la récupération du schéma corporel, l’annonce par le médecin de la possibilité de reconstruction est le signe des jours meilleurs. Le message subliminal signifie « vous êtes guérie, vous allez vivre ». Mais la reconstruction physique doit s’accompagner de la reconstruction psychique. L’accompagnement est nécessaire. Revoir sourire la patiente après un combat si difficile demeure la récompense suprême au-delà de toute prouesse technique.