Le psychiatre face au cancer
Par le professeur Jean-Michel OUGHOURLIAN
Sur le plan psychologique, le mot de cancer est souvent terrifiant et sonne comme un arrêt de mort. Pour calmer l’angoisse, éviter si possible la dépression consécutive à ce diagnostic, aider le patient à accepter et supporter les traitements oncologiques, le spécialiste a souvent recours à l’aide du psychiatre.
Dans un premier temps, le psychiatre doit essayer de calmer l’angoisse en affichant un optimisme raisonnable et en aidant si nécessaire par une prise en charge psychothérapique permettant de libérer l’angoisse actuelle de la maladie de toutes les angoisses anciennes et les traumatismes psychiques passés réveillés par le problème actuel.
Plus difficile encore pour le psychiatre est le suivi d’un patient ou d’une patiente auxquels il s’est attaché tout au long du traitement avec les effets secondaires de la chimiothérapie, de la radiothérapie etc…
Dans l’hôpital où je travaillais, il existait un service d’oncologie thérapeutique sous la responsabilité d’oncologies expérimentés. J’y étais souvent invité à suivre et aider les patients et cela me demandait un effort de maîtrise de mes émotions en même temps qu’une connaissance des pathologies psychiques que pourraient développer ces malades sous l’effet de l’angoisse ainsi que d’une bonne expérience des psychotropes adaptés à chaque cas.
Mais je fus aussi surpris lorsque les personnels soignants : infirmiers, infirmières, aides soignants demandèrent à la direction de l’hôpital de salarier une psychologue pour les aider à supporter le stress engendré par les plaintes et parfois les pleurs des malades. Cette psychologue me demandait parfois de l’aider en prescrivant un traitement tranquillisant ou anti dépresseur à certains soignants.
La psychothérapie des patients en cours de traitement oncologique fait appel non seulement à la psychologie ou la psychopathologie mais aussi à la philosophie et le dialogue débouche souvent sur des questions spirituelles, morales, religieuses, sur le sens de la vie, sur les regrets ou les remords au souvenir du passé. Le psychiatre doit être prêt à affronter ces problèmes et à entrer dans ces discussions, ce qui a souvent un effet bénéfique sur le moral des patients.
Enfin, le psychiatre est souvent amené à recevoir la famille du patient, l’époux, l’épouse, les enfants et à faire face à ce qu’il y a de meilleur dans l’humain : l’amour, la peur de la perte, la souffrance partagée avec l’être cher. Mais aussi il peut être confronté aux aspects les plus sombres de l’humain devant des héritiers le priant d’intervenir auprès de ses collègues oncologues afin « d’abréger » les souffrances du patient et …. D’hériter plus vite !!!
Auprès des patients cancéreux, la psychiatrie évolue d’une spécialité médicale à un véritable sacerdoce.
Son dernier ouvrage paru, « l’altérité » aux éditions Desclée De Brouwer (article paru dans notre journal VAINCRE 85)