Cancer et Chirurgie cardiaque
Décryptage des liens entre cancer et chirurgie cardiaque, par le Professeur Pascal LEPRINCE, Chef de service, Chirurgie thoracique et cardiovasculaire, Sorbonne Université, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP
Le chirurgien cardiaque est peu confronté à la pathologie cancéreuse car les tumeurs du cœur sont rares.
Leur fréquence dans la population générale est de l’ordre de 0,001% à 0,03% et 80% des tumeurs sont bénignes essentiellement à type de myxomes ou de fibroélastomes. Le diagnostic de ces tumeurs bénignes fait le plus souvent suite à la survenue de symptômes soit à type de gêne à la circulation du sang dans les cavités cardiaques responsable d’un essoufflement, soit à type d’accidents emboliques liés à la migration de caillots formés au contact de la tumeur ou de fragments de la tumeur elle-même. Leur résection est quasiment toujours indiquée.
Même si cette chirurgie doit être réalisée sous circulation extracorporelle, elle est techniquement aisée et à faible risque.
A l’inverse, les tumeurs malignes du cœur sont le plus souvent des métastases et les cas de sarcomes ou lymphomes du cœur sont exceptionnels.
Dans ces situations, la chirurgie est rarement indiquée et est le plus souvent palliative à l’instar des chirurgies de drainage péricardiques dans les pathologies métastatiques du péricarde et de certains gestes de « débulking » de l’oreillette droite pour des métastases de cancers d’évolution lente.
Plus fréquentes sont les complications cardiaques des traitements antinéoplasiques qu’il s’agisse de chimiothérapie ou de radiothérapie.
Ces traitements peuvent en effet être pourvoyeurs, parfois de nombreuses années après, de pathologies valvulaires, coronaires, myocardiques ou péricardiques. C’est ce risque de complications cardiovasculaires des traitements à visée oncologique qui a donné naissance au concept d’onco-cardiologie et a justifié la publication récente des premières recommandations de la société européenne de cardiologie à ce sujet.
L’organisation de la cancérologie à ouvert la voie du travail en équipes multidisciplinaires. En effet, il n’y a théoriquement plus un seul patient souffrant d’une pathologie néoplasique dont le dossier échappe à une discussion en réunion de concertation multidisciplinaire.
Cet exemple de fonctionnement s’est imposé pour le cœur avec le développement des traitements per-cutanés des pathologies valvulaires cardiaques (TAVI) entrainant un rapprochement des cardiologues interventionnels et des chirurgiens cardiaques.
Cela a abouti au concept de heart-team sensée poser l’indication de la technique utilisée (chirurgie conventionnelle ou traitement per-cutané) avec le meilleur rapport bénéfice/risque pour le patient et conduire la réalisation du geste en commun. Même si ce type de fonctionnement est explicitement recommandé par les sociétés savantes pour ce qui est de la prise en charge des pathologies cardiovasculaires, force est de constater que l’exemple vertueux de la cancérologie est encore régulièrement transgressé dans notre spécialité.