Cancers du sein : des progrès conséquents et une recherche très active

Par le Professeur Joseph GLIGOROV, chef du département d’oncologie médical, Hôpital Tenon, AP-HP. Les premières cibles thérapeutiques datent d'il y a 20 ans, ces traitements ont permis globalement de guérir 3 femmes sur 4 au moment du diagnostic précoce de la maladie. D’autres cibles thérapeutiques importantes ont été identifiées plus récemment.

Cancers du sein : des progrès conséquents et une recherche très active

Depuis maintenant près de 20 ans, les cancers du sein ont été reclassés en trois entités en fonction de la présence ou non de récepteurs particuliers au niveau des cellules cancéreuses. Les trois récepteurs recherchés systématiquement et devant figurer dans chaque compte-rendu anatomopathologique sont les récepteurs aux œstrogènes, les récepteurs à la progestérone et les récepteurs HER2. Chacun de ces récepteurs peut être exprimé avec une intensité plus ou moins marquée et sur toutes les cellules cancéreuses ou non. Concernant les récepteurs hormonaux ou RH (aux œstrogènes et à la progestérone) ont considère un seuil de positivité à partir de 10% des cellules cancéreuses les exprimant.

L’expression du récepteur HER2 est évalué en intensité de fixation de 0, 1+, 2+ ou 3+ et ne sont considérés comme positifs que les cancers avec une intensité à 3+. Une autre technique d’évaluation de la positivité HER2 consiste à évaluer le nombre de copies du gène qui code pour ce récepteur par une technique particulière (ISH) et les cancers sont classé positifs si ISH positifs. On distingue ainsi les cancers RH positifs et HER2 négatifs, les cancers HER2 positifs (qui peuvent être RH positifs ou négatifs) et les cancers dits triples négatifs (négativité des trois récepteurs).

Les stratégies thérapeutiques en fonction de ces groupes reposaient sur :

  • L’utilisation de traitements antihormonaux comme arme thérapeutique spécifique des cancers RH positifs
  • L’utilisation des traitements anti-HER2 comme arme thérapeutique spécifique des cancers HER2 positifs
  • L’utilisation possible de la chimiothérapie pour tous les types de cancers du sein avec un choix par « défaut » dans les cancers du sein triples négatifs.

Ces traitements ont permis globalement de guérir 3 femmes sur 4 au moment du diagnostic précoce de la maladie.

Les cibles plus récentes…la révolution biologique.

D’autres cibles thérapeutiques importantes ont été identifiées plus récemment :

  • D’une part pour tous les cancers du sein, la présence d’antécédents familiaux et ou personnels de cancers fait rechercher des facteurs de risque génétiques. Ce sont des gènes que nous portons tous, mais dont certaines personnes ont des variants augmentant le risque de cancer. Les plus connus sont les variants des gènes BRCA1 et BRCA2. Il existe aujourd’hui des thérapeutiques particulièrement efficaces lorsque les patients sont porteurs d’un de ces variants. Ce sont des médicaments qui bloquent la réparation de l’ADN et que l’on appelle des inhibiteurs de PARP.

  • D’autre part, dans les cancers du sein RH positifs, nous comprenons beaucoup mieux les mécanismes d’échappement aux traitements antihormonaux classiques. Ainsi trois axes importants d’amélioration sont maintenant disponibles en utilisation clinique : 1. Les inhibiteurs de CDK4/6 qui associés aux traitements antihormonaux bloquent de façon beaucoup plus active la multiplication des cellules cancéreuses. 2. Les inhibiteurs d’une voie de signalisation de la cellule qui contrôle la mort cellulaire. Il s’agit de la voie que l’on dénomme PI3 kinase-Akt-mTOR. 3. Les inhibiteurs plus puissants des récepteurs aux œstrogènes, lorsque ceux-ci sont mutés et que l’on dénomme SERDs.

Tous ces médicaments ont permis d’augmenter de façon considérable l’espérance de vie de patientes en situation métastatique et pour certains d’augmenter le taux de guérison

Si depuis longtemps on imaginait le rôle important du système immunitaire dans notre protection contre le développement des cancers, ce n’est que plus récemment que l’on a compris que certaines cellules cancéreuses avaient la capacité d’y échapper, essentiellement en empêchant les cellules de l’immunité de les reconnaitre. Le développement de médicaments rétablissant une réponse immunitaire a été particulièrement important pour les cancers dits « triples négatifs » qui étaient en quelque sortes ceux pour lesquels nous avions le moins de traitement possibles. Des tests permettent d’évaluer les chances de succès de ces traitements qui par ailleurs peuvent entrainer des réactions auto-immunes, heureusement rarement dangereuses. Le pronostic des cancers du sein triples négatifs, notamment en situation non métastatique a été clairement amélioré par ces traitements.

La révolution des anticorps-conjugués.

L’idée est simple, mais encore fallait-il y penser et le faire. Si un anticorps est capable de reconnaître une cible à la surface d’une cellule et sachant que lorsqu’il s’y accroche, il s’introduit dans la cellule, alors si l’on accroche à cet anticorps un médicament toxique pour la cellule, cela permet de détruire de façon plus spécifique ces cellules. C’est le principe du cheval de Troie appliqué au cancer. La première cible utilisée pour cette technique a été HER2. Les traitements étaient efficaces et la nouvelle génération d’anticorps-conjugués est si puissante qu’elle est active même lorsque ce récepteur est exprimé de façon très faible. On peut donc utiliser ces traitements pour des cancers qui étaient HER2 négatifs dans la classification ancienne mais qui ont une faible expression du récepteur avec des résultats parfois spectaculaires.

D’autres cibles ont été identifiés. Dans les cancers triples négatifs d’abord avec le récepteur TROP. Les anticorps-conjugués anti-TROP ont d’abord été utilisés dans les cancers triples négatifs, et maintenant dans les cancers RH positifs car ils expriment également ces récepteurs pour certains.

Dans les différents services où nous traitons les cancers du sein, de nombreux essais thérapeutiques explorent l’efficacité de nouveaux traitements sur ces cibles ou de nouvelles cibles. Les progrès n’ont jamais été aussi rapide et participer à la recherche comme professionnel de santé, patient ou donateur est d’une aide précieuse pour essayer le plus vite possible de rendre le cancer du sein une maladie banale et non la première cause de mortalité par cancer chez les femmes dans la plupart des pays occidentaux.

En soutenant vaincre le cancer, vous y contribuez. En vous remerciant

Pr Joseph Gligorov Institut Universitaire de Cancérologie AP-HP Sorbonne Université

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