Les Leucémies Aigües Myéloïdes (LAM) avec BCR::ABL1.

Par le Docteur Jean-Claude CHOMEL, Ancien responsable de l’Unité Médicale d’Onco-Hématologie Moléculaire, Service de Cancérologie Biologique, Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers

et le Docteur Lara BOUCHER, Docteur Junior, Services d’Hématologie Biologique et de Cancérologie Biologique, Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers

La Leucémie Myéloïde Chronique (LMC) est le premier cancer humain ayant été associé à une anomalie chromosomique, le chromosome Philadelphie. La translocation t(9;22)(q34;q11) est ainsi à l’origine de l’oncogène BCR::ABL1 directement responsable de l’hémopathie.

Historiquement, la LMC progresse d’une phase chronique vers une phase blastique (ou aigüe) de pronostic sombre.

Cette hémopathie est désormais diagnostiquée en phase chronique. De plus, l’utilisation des inhibiteurs de la tyrosine kinase ABL1 permet à la majorité des patients de ne plus évoluer vers la phase blastique.

Si le réarrangement BCR::ABL1 est pathognomonique de la LMC, il n’est cependant pas exclusivement décrit dans cette pathologie et peut ainsi être retrouvé chez des patients atteints de Leucémie Aigües. Parmi les cas recensés, seules de très rares Leucémies Aigües Myéloïdes (LAM) présentant ce réarrangement dès le diagnostic ont été rapportées, définissant les LAM avec BCR::ABL1.

Les LAM constituent un groupe hétérogène d’hémopathies malignes. Lors du diagnostic, plusieurs clones malins (avec un nombre variable d’anomalies génétiques) peuvent être détectés dans la moelle osseuse du patient.

C’est ce qui détermine l’architecture clonale de la LAM et traduit le phénomène d’hétérogénéité tumorale.

La classification diagnostique des LAM a été mise à jour en 2022 grâce à l’amélioration des connaissances de la physiopathologie de ces hémopathies et l’intégration des anomalies génétiques détectées notamment par séquençage haut débit.

Cette classification reconnaît désormais les LAM avec BCR::ABL1 comme une entité à part entière et les distingue des LAM secondaires à une LMC préexistante.

Au diagnostic, ces LAM se définissent par l’identification du réarrangement BCR::ABL1 associé à un envahissement médullaire de cellules malignes (cellules blastiques) supérieur à 20%. La faible incidence des LAM avec BCR::ABL1 et l’absence d’un consensus solide sur leur caractérisation est à l’origine des nombreux biais d’inclusion des patients au sein des études effectuées. Cela rend particulièrement difficile la mise en place de critères robustes permettant de les distinguer d’une transformation blastique de LMC ou d’une LMC d’emblée en phase aigüe.

Dans une ère où la biologie moléculaire constitue un élément pivot des nouveaux systèmes de classifications, nous avons cherché à mieux caractériser les LAM avec BCR::ABL1.

Pour cela, nous avons intégré aux données de la littérature celles d’une analyse moléculaire approfondie de plusieurs cohortes de patients atteints de LMC ou de LAM. Le paysage mutationnel mis en évidence sur ADN génomique et l’étude de l’expression des ARN messagers ont permis de distinguer les LAM avec BCR::ABL1 des autres LAM ainsi que des LMC (Tableau 1).

Elles sont ainsi caractérisées par (1) la présence du réarrangement BCR::ABL1 en tant qu’anomalie initiale de la leucémie, (2) la détection de mutations spécifiques des LAM en tant qu’événements additionnels survenant au cours de l’évolution tumorale et (3) un profil d’expression comparable à celui des LAM.

Si l'architecture clonale LAM avec BCR::ABL1 semble affirmer leur caractère de novo, une question clé demeure : quel rôle exact joue cet oncogène dans la genèse de ces hémopathies? Nous soutenons l’hypothèse selon laquelle ces leucémies pourraient émerger de l’acquisition de mutations propres aux LAM dans un contexte où BCR::ABL1 établirait un terrain propice au développement de la maladie, sans être lui-même la cause directe de la LAM. En d'autres termes, BCR::ABL1 jouerait le rôle d’instigateur silencieux en se comportant comme une mutation dite de l’hématopoïèse clonale (Figure 1). BCR::ABL1 pourrait alors être à l’origine d’un état préleucémique favorisant le développement d’une LAM par acquisition de mutations somatiques additionnelles.

Cette hypothèse ouvre la voie vers de nouvelles perspectives de recherche contribuant à une meilleure compréhension biologique des LAM avec BCR::ABL1.


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