Tous les ans, 8 000 cancers induits par les infections à papillomavirus humain pourraient être évités en France.
Par le Professeur Franck GRISCELLI, Praticien Spécialiste des CLCC (centres de lutte contre le cancer) – Institut Gustave Roussy Département de Biologie et Pathologie Médicales
Monsieur le Président Emmanuel Macron accompagné des ministres de la santé et de l’éducation, en accord avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a lancé en début 2024, une nouvelle campagne de communication pour sensibiliser les français à l’importance de la vaccination généralisée contre le Papillomavirus humain (HPV).
Extrêmement fréquentes, les infections à HPV sont la plupart du temps bénignes, mais elles peuvent souvent persister et aboutir à des lésions malignes au niveau de nombreux organes.
Le HPV est surtout connu pour être responsable des cancers du col de l’utérus (99,7 %) et 45% des cancers de l’oropharynx (ORL). Plus rarement (moins de 6 cas pour 100 000 personnes) ce virus est trouvé être associé à d’autres organes, comme certains cancers du vagin (75 %), de la vulve (69 %), de l’anus (91 %), du pénis (63 %) et de la peau (<10%, carcinome spinocellulaire).
Les cancers HPV-induit sont la 4ème cause de cancers dans le monde avec 600 000 nouveaux cas, et plus de 300 000 décès, recensés chaque année. Tous les ans, 8 000 cancers induits par les infections à HPV sont diagnostiqués en France dont 2 900 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus, provoquant plus de 1 000 décès par an.
Le cancer du col de l’utérus est attribuable dans la grande majorité des cas à une infection persistante par un HPV à haut-risque (12 génotypes de HPV dont HPV 16 et 18, les plus fréquents) transmissible par contact sexuel. Concernant les cancers ORL, le HPV représente le 3eme facteur de risque de la survenue de ces cancers après le tabac et de l'alcool. Ces cancers ORL sont essentiellement localisés au niveau des amygdales, de la gorge ou sur la base de la langue, et surviennent plutôt chez des patients jeunes sans d’autres facteurs de risque. Les cancers ORL causés par un HPV entraînent des symptômes, peu spécifiques, souvent négligés, ce qui a tendance à retarder le diagnostic et de leur prise en charge.
Des études sont en cours pour mieux connaître les mécanismes induits par ce virus dans l’apparition de différents types de cancers. Il a été montré que tout se joue via l’implication de protéines virales (E6 et E7) et l'intégration de son ADN dans le génome des cellules hôtes. Un lien a été montré entre la façon dont l’ADN du virus s’est intégré dans le génome, la détection du virus dans le sang et l’existence de certaines mutations avec la gravité des cancers HPV-induits.
Le traitement repose en général sur la chirurgie quand la maladie est prise à un stade précoce et sur l’association radiothérapie-chimiothérapie (dite radio-chimiothérapie) pour les cas les plus avancés. Mais ce dernier traitement guérit à peine plus de la moitié des patientes concernées par ces formes critiques. Plus récemment des approches d’immunothérapie sont devenues un standard dans la prise en charge de certains patients atteints de cancers ORL et du col de l’utérus. Néanmoins, peu d’essai thérapeutique sont malheureusement réalisés pour les cancers moins fréquents.
La vaccination contre les HPV (Gardasil 9) est la meilleure lutte contre les cancers HPV induits. Ainsi 8 000 cancers induits par les infections à HPV en France pourraient ainsi être évités chaque année si le taux de couverture vaccinale atteignait plus de 80% des hommes et des femmes. Cette vaccination est recommandée pour les filles et les garçons à partir de 11 ans et jusqu’à 14 ans, et pour les jeunes femmes et les jeunes hommes entre 15 et 19 ans révolus dans le cadre d’un rattrapage vaccinal.
Or, actuellement seulement 40 % des filles et 6 % des garçons sont vaccinés en France. En Europe la couverture vaccinale dépasse les 60% dans de nombreux pays européen (Espagne, Hongrie, Irlande, Belgique, Danemark, Finlande) voir 80% au Portugal, Suède et au Royaume-Uni.
Le gouvernement recommande pour éradiquer le HPV une généralisation de la vaccination contre le HPV à l’école dès la 5eme avec accord parental, comme cela est déjà pratiqué dans d’autre pays européens. Ce message va dans le même sens que la récente annonce de la création du collectif « Demain sans HPV » qui réunit 10 associations de patients françaises autour d’HPV (IMAGYN, Corasso, No Taboo, CRIPS Ile-de-France, Actions Traitements, Courir pour Elles, Vaincre PRR, Clelialine, AKUMA, et The NWC). C'est en combinant une politique vaccinale plus précoce et une prévention des infections à HPV qu’il sera possible d’éradiquer ces cancers pour nos générations futures.