Le cancer : nos animaux de compagnie aussi !

Grâce aux avancées médicales, nos compagnons vivent plus longtemps, mais partagent aussi notre environnement… et ses risques, dont les agents cancérogènes. Quelle est leur prise en charge ? Par le Professeure Frédérique PONCE, Professeur en cancérologie comparée, spécialiste européen en cancérologie vétérinaire, VETAgro Sup, Université Lyon 1.

Le cancer : nos animaux de compagnie aussi !

Le cancer est un des grands défis de la médecine moderne tant chez l’animal de compagnie que chez l’homme. Nos animaux de compagnie vivent de plus en plus vieux, grâce, notamment, aux progrès médicaux en matière de prévention et de traitement des maladies. Faisant partie intégrante de nos vies, ils partagent également notre environnement et sont donc exposés aux mêmes agents cancérogènes.

Au sein de nos universités, il a fallu développer un travail colossal pour caractériser avec précision les cancers du chien et du chat afin de pouvoir en comprendre la biologie, les prévenir et mieux les traiter.

Depuis la création de la première école vétérinaire au monde, par Claude Bourgelat, il y a 250 ans à Lyon, le développement de la cancérologie vétérinaire a permis la réalisation d’études cliniques, pronostiques et thérapeutiques précises et fiables, utilisant les mêmes moyens et dans les mêmes conditions hospitalières que chez l’homme.

Ainsi, aujourd’hui, nous savons que le chien et le chat développent les mêmes cancers que ceux de l’homme, en termes d’oncogenèse, de données histologiques, biologiques, moléculaires, génétiques et cliniques.

Grâce aux partages des connaissances entre l’homme et l’animal, des avancées importantes et récentes ont été à la source d’une prise en charge optimisée de notre animal atteint de cancer, bien au-delà des traitements standards déjà connus chez l’homme et l’animal (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) : amélioration des techniques d’imagerie (Scanner, IRM, PET-SCAN), développement de biomarqueurs spécifiques des cancers (mutation BRAF, ADN circulant tumoral, TK1 …), de techniques innovantes de radiothérapie (Stéréotaxie, IMRT...), de thérapies ciblées, d’immunothérapie, de chimio embolisation et de méthodes d’évaluation et de prise en charge efficace de la douleur engendrée par certains types de cancer.

Cette offre thérapeutique large permet une prise en charge multimodale, de plus en plus personnalisée de l’animal atteint de cancer, avec pour objectif premier : le respect de sa qualité de vie au sein de sa famille.

Ce niveau d’excellence de qualité de soins a été possible grâce à l’ouverture, dès 2011 à VetAgro Sup, Lyon, du seul programme de résidence en France, permettant d’accéder au diplôme de spécialiste européen en cancérologie vétérinaire (ECVIM-CA (Oncology)). A ce jour en France, une dizaine de vétérinaires spécialistes exercent dans des CHV et dans les CHUV de certaines écoles vétérinaires.

La structuration de la recherche clinique dans nos CHUV, grâce à la création du CICV de VetAgro Sup, à l’image des CIC des hôpitaux, a contribué à ces progrès médicaux essentiels pour la santé et le bien-être de nos animaux. Mais pas seulement !

Cette démarche contribue également aux progrès en recherche contre les cancers de l’homme. Elle s’inscrit dans le cercle vertueux du concept ONEHEALTH.

Les molécules innovantes sont développées et commercialisées pour soigner les cancers de l’homme car le coût très élevé (plusieurs milliers à dizaine de milliers d’euro !) ne peut pas être supporté par des propriétaires d’animaux qui payent intégralement les soins vétérinaires. L’arsenal thérapeutique est donc plus limité et l’accès à l’innovation reste discret. La cancérologie vétérinaire manque donc de traitements innovants.

Cependant, les chercheurs en cancérologie humaine connaissent l’écueil du développement d’un médicament toujours lent et couteux. En effet, alors que des molécules auront prouvé une efficacité lors des essais chez les modèles de rongeurs, seulement une sur dix sera efficace et bien tolérée chez l’homme. Ces modèles de cancers induits chez des rongeurs, outre les problèmes éthiques qu’ils posent, restent trop éloignés des caractéristiques biologiques définissant les cancers de l’homme.

Nos animaux de compagnie et notamment le chien développent des cancers de façon naturelle, spontanée, partageant les mêmes caractéristiques que les cancers de l’homme. Les étudier renforce donc la pertinence d’un transfert ultérieur d’une thérapie innovante chez l’homme, en termes de faisabilité, d’efficacité et d’innocuité.

Mais c’est alors un bénéfice réciproque qui va s’opérer ! Nos animaux, compagnons de nos vies, vont bénéficier de cette approche décloisonnée : accéder à ces molécules innovantes développées pour l’homme en les testant en phase préclinique, au cours d’un protocole d’essais thérapeutique pour des cancers similaires pour lesquels il n’y a pas de thérapie efficace. Quelques exemples de molécules anticancéreuses avec une mise sur le marché accélérée après démonstration de leur efficacité et innocuité chez le chien : Ibrutinib (lymphomes du manteau, leucémie lymphoïde chronique), Verdinexor/Selinexor (lymphomes DLBCL), Losartan associé au Sunitinib (ostéosarcome métastatique)....

Cette approche est le socle de la cancérologie comparée et elle s’inscrit dans une démarche ONECANCER, démarche vertueuse et synergique entre les différentes médecines. Nous avons initié cette démarche ONECANCER avec le CLB et le CRCL et elle a été intégrée au projet ShapeMed@Lyon1(PIA4 national) qui vise à fédérer les compétences et les structures académiques, industrielles, biotechnologiques en décloisonnant et en partageant les recherches en cancérologie humaine et animale afin de comprendre, prévenir et soigner les cancers.

Faire cette alliance unique entre médecine humaine et vétérinaire, tous ensemble, pour le bien-être de l’homme et de l’animal dans leur écosystème partagé, pour un impact déterminant dans la lutte contre le cancer ! Afin de vaincre le cancer !