Programme embryonnaire commun dans l’hétérogénéité cellulaire des tumeurs pédiatriques d’hépatoblastoma et de médulloblastoma
Par le Docteur Christophe DESTERKE, Docteur es-sciences, Université Paris-Scaly, INSERM U1310, Hôpital Paul Brousse

Le séquençage à haut débit a révolutionné la recherche et prise en la charge des patients atteints de cancer.
Actuellement il est possible de séquencer l’information contenu dans l’ADN (acides désoxyribonucléiques), l’ARN(acides ribonucléiques) , la chromatine des tissus tumoraux afin d’y investir les mécanismes cellulaires perturbés au cours de la maladie mais aussi de comprendre les mécanismes mis en place lors de la résistance thérapeutique. Plus récemment, cette technique de séquençage à haut débit a été couplée à une méthode de barcode moléculaire à l’échelle de la cellule unique afin d’augmenter la résolution de ces techniques par le passage d’une compréhension tissulaire à une compréhension cellulaire au sein du tissu tumoral. Ces techniques de séquençage de cellule unique (sc : « single cell ») permettent donc de capter l’hétérogénéité cellulaire composant les tumeurs. Notamment, il est maintenant possible de comprendre les altérations de dialogues entre les cellules tumorales et les cellules qui composent le micro-environnement tumoral comme par exemple avec les cellules immunitaires, les cellules endothéliales, et les cellules mésenchymateuses (Figure 1). Après une réduction mathématiques des dimensions experimentales il est possible de distinguer les vertes tumorales des cellules bleues de foie saint et les cellules rouges de tumeurs transplantées dans un modèle murin (Figure 1).
Figure 1 : Hétérogénéité des cellules composant les tumeurs d’hépatoblastoma par séquençage des ARN à l’échelle de la cellule unique (en vert : les tumeurs primaires (« tumor »), en rouge : les tumeurs transplantées dans un modèle murin (« pdx » ), en bleu les cellules du foie non tumoral adjacent à la tumeur (« background »)
Le médulloblastoma et l’hépatoblastoma sont deux cancers de type pédiatriques qui sont tous les deux d’origine embryonnaire mais qui affectent deux organes différents, respectivement le foie et le système nerveux central. L’adaptation du métabolisme des cellules tumorales est un phénomène bien connu pouvant favoriser la croissance tumorale. Ce phénomène est connu sous le nom de l’effet Warburg. Notamment la cellule tumorale adapte son métabolisme pour favoriser l’utilisation du glucose et ainsi sa croissance. De plus au niveau du foie, les cellules épithéliales hépatiques appelées« hépatocytes » sont des cellules spécialisées dans le métabolisme. En effet les hépatocytes possèdent de nombreuses fonctions de détoxification de l’organisme comme par exemple la conjugaison des principes actifs des médicaments. Dans les tumeurs hépatiques malignes, ces fonctions métaboliques des hépatocytes normaux sont généralement réprimées dans les cellules tumorales en raison de leur plasticité et de leur perte de différentiation cellulaire. Basé sur l’hypothèse que les polluants pouvaient activer des voies métaboliques dans les tumeurs hépatiques pédiatriques d’ hépatoblastoma, par la technique de single cell RNA-sequencing nous avons pu confirmer une répression majeurs des enzymes hépatocytaires mais conjointement une activation transcriptionnelle d’un programme enzymatique altéré (Monge et al., 2024). Parmi ce programme métabolique activé au cours de l’hépatoblastoma certaines enzymes on pu être associées au risque métastatique chez les patients atteint de cette pathologie pédiatrique (Desterke et al., 2024).
La ferroptosis est un processus de mort cellulaire programmée basé sur le métabolisme du fer mais également sur la peroxydation des lipides en lien avec la production de radicaux libres dans la cellule. Au cours du cancer, le mécanisme de la ferroptosis sollicite de nombreux espoirs thérapeutiques en raison des perturbations métaboliques observées dans les cellules tumorales et de leurs altérations du dialogue avec les cellules immunitaires. D’autre part au niveau système nerveux central le mécanisme de ferroptosis est possiblement associé à la souffrance neuronale. Au cours du médulloblastoma, avec la technologie de RNA-sequencing nous avons pu décrypter le programme d’activation transcriptionnel de la ferroptosis au sein de ces cellules tumorales suggérant le rôle de ce mécanisme dans la biologie de ces tumeurs pédiatriques généralement localisées dans le cervelet (Desterke et al., 2025a).
Dans leur biologie, ces deux types de tumeurs pédiatriques ont en commun qu’elles peuvent présenter des altérations génétiques pouvant affecter une voie de signalisation intra-cellulaire reconnue comme importante pour le maintien des cellules souches normales et tumorales. Cette voie de signalisation moléculaire est intitulée la voie WNT/beta-caténine. Dans un travail récent nous avons décrypté un programme de régulation transcriptionnel activé par la fixation de LEF1 à la chromatine communément activé dans les tumeurs d’hépatoblastoma mais aussi dans les tumeurs WNT-medulloblastoma (Desterke et al., 2025b). Cette activation moléculaire nous a permis de calculé un score d’expression WNT dépendant que nous avons pu confirmé comme étant activé à l’échelle de la cellule unique dans ces tumeurs grâce à la technologie de séquençage d’ARN à l’échelle de la cellule unique : « single cell RNA-sequencing » (scRNA-seq).
Ces techniques de séquençage à haut débit calibrées à l’échelle de la cellule unique marquent une révolution majeure ces dernières années pour la compréhension des mécanismes tumoraux avec une résolution permettant de capter l’hétérogénéité cellulaire pouvant être impliqués dans les échappement thérapeutiques.